Décryptage du plan Climat Air Energie Territoriale de la CCM

Le Plan Climat Air Energie Territoriale est la déclinaison à l’échelle des collectivités locales de la Stratégie Nationale Bas Carbone, décidée à la suite des Accords de Paris, visant à la neutralité carbone en 2050.

Qu’est-ce que ça signifie : le PCAET est un plan sur 30 ans qui doit détailler les actions mises en œuvre pour “faire sa part” au niveau local.

La Communauté de Commune de Montesquieu, comme toutes les EPCI de plus de 20000 habitants, était tenue depuis décembre 2018 d’avoir adopté son PCAET.

Avec un peu de retard à l’allumage, la CCM a donc arrêté le projet de PCAET en décembre 2022, en prévoyant en mars-avril 2023 de le “mettre à disposition du public par voie électronique”, puis en mai-juin 2023 de délibérer l’approbation définitive du PCAET après prise en compte des avis.

Si comme nous vous ne trouvez pas les fichiers sur le site de la CCM, nous vous les mettons à disposition ici.

Quel plan ambitieux a donc élaboré la CCM pour adresser le défi majeur de ce siècle? On vous fait un résumé, ainsi que quelques clés de compréhension.

Tout d’abord, la méthodologie est normalisée. Un PCAET se décompose en 5 parties :

  • le Diagnostic
  • la stratégie
  • le programme d’actions
  • l’évaluation environnementale stratégique (EES)
  • état initial de l’environnement (EIE)

Le programme d’actions doit être revu au minimum tous les 6 ans, en engage la collectivité sur le long terme, avec un suivi et une évaluation tout au long du processus.

1) Le Diagnostic

En 2019, la CCM totalisait une consommation énergétique de 1004GWh (soit 22,2MWh/pers/an), pour une émission de Gaz à Effet de Serre (GES) de 184kteq CO2 (soit 4,1teq CO2/pers/an).

Le poste principal de la consommation énergétique et des émissions de GES est le transport (534GWh et 128kteq CO2), le second est le résidentiel (300GWh et 29kteq CO2).

Clé de compréhension : notez qu’à ce stade ce qui est comptabilisé ne concerne que la consommation énergétique et les émissions sur le territoire. Vos achats sur Amazon ou au Leclerc, le streaming sur Netflix, ou votre voyage à Marrakech ne sont pas comptabilisés dans ce bilan. C’est ce qui distingue l’impact carbone de l’empreinte carbone. En revanche, la consommation énergétique et les émissions de GES issues du trafic autoroutier traversant la CCM sont comptabilisés.

La CCM produit en parallèle seulement 104GWh d’énergies renouvelables, soit ~10% seulement de la consommation énergétique.

En parallèle, la séquestration nette CO2 annuelle est de 26kteq CO2/an. La séquestration nette est une balance entre le stockage du carbone par les forêts et prairies (+31kteq CO2), l’émission de CO2 dûe au changement d’affectation des sols (-8kteq CO2) et les produits bois (+3kteq CO2). On note donc au passage que l’artificialisation, la déforestation, sont plus importants que la séquestration par les produits bois.

Or les objectifs réglementaires sont :

  • réduire les GES de 40% (voire 55%) en 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050
  • réduire la consommation énergétique finale de 20% en 2030 et 50% en 2050
  • diminuer de 40% la consommation totale d’énergies fossiles en 2030
  • porter la part des énergies renouvelables à 33% en 2030

2) La stratégie

L’objectif est donc en 30 ans de diviser par 2 notre consommation énergétique, et de diviser par 6 nos émissions de GES, sachant que certaines émissions ne sont pas de notre ressort (trafic autoroutier).

Remarque : la comptabilisation territorialisée nous apprend que la production locale alimentaire ou de biens est bien moins souhaitable que leur importation. On constate donc les limites de ces indicateurs seuls, car ils ne nous poussent pas à favoriser les circuits courts. Ces limitations ont bien été identifiées par certaines collectivités, à l’instar de Bordeaux Métropole qui utilise également l’empreinte carbone comme indicateur de suivi de son PCAET.

Plus précisément, l’objectif en 30 ans est, pour les 2 postes principaux :

  • résidentiel : diviser la conso énergétique par 2, diviser les émissions de GES par 5
  • transport : diviser la conso énergétique par 2, diviser les émissions de GES par 10

Pour la production d’ENR, l’objectif est d’atteindre 75% de la consommation énergétique dans 30 ans

3) Le programme d’actions

L’objectif est de détailler dans ce programme d’actions les manières d’atteindre ces objectifs ambitieux, et d’identifier les budgets associés.

Les détails sont à consulter dans le document, mais nos premiers retours sont :

  • les nombreuses actions non accompagnés d’estimation chiffrée des effets en consommation énergétique et émission de GES
  • l’absence répétée de budget chiffrés (budget “à déterminer” ou “en cours de détermination”, voire non rempli

Sobriété et efficacité énergétique

  • la rénovation des batiments publics 400k€/an pour rénover 30% du parc : est-ce suffisant? pourquoi pas 100%?
  • rénovation de l’éclairage public : “600€/luminaire sur 6 ans”, à quel budget cela correspond-il? 
  • mise en place extinction éclairage public la nuit : pas de budget, or à Léognan on annonce des budgets de 70k€
  • absence d’actions en direction des citoyens en terme d’infrastructures, de mise en place de nouveaux services ou de nouvelles pratiques, hormis une campagne d’incitation aux éco-gestes
  • impliquer le conseil de développement : encore faut-il qu’on en connaisse l’existence

Mobilité

  • renforcer les pôles multimodaux : budget à déterminer
  • déploiement des bornes de recharges 450k€
  • transports en commun : budget 6k€ (pas cher!)
  • réseau de covoiturage : budget 50k€
  • aires de covoiturage : budget à déterminer
  • pistes cyclables et piéton : budget à déterminer
  • services velos (location, aide à l’achat, parcs de vélos, ateliers réparation) : investissement à déterminer
  • développer des tiers lieux et favoriser le télétravail : invest à déterminer
  • recours aux produits locaux
  • développer la vitalité des centres bourgs

Production énergie

  • étude potentiel géothermique, photovoltaïque, réseaux de chaleur, valorisation biodéchets
  • cadastre solaire

Il n’est pas fait mention dans les actions du projet Horizeo, qui si il se concrétise, produira 1100GWh/an, soit le double de la consommation énergétique finale visée.

Economie locale

  • promovoir un tourisme plus durable : so what?
  • encourager le secteur tertiaire et industriel : pas d’incitation financière?
  • changement de pratiques des viticulteurs (intrants, gestion gelées tardives…)
  • encourager autoproduction alimentaire
  • sensibiliser à alimentation saine, locale et durable :
  • approvisionnement restauration collective
  • préserver foncier agricole
  • changement pratiques sylvicoles
  • recycleries associées aux décheteries : investissement “à déterminer”

Au final, la concaténation de ces actions semblerait montrer tout le sérieux avec lequel le cabinet et la CCM ont traité le sujet.

Mais alors, alors que la CCM propose de mener des actions volontaristes quant aux infrastructures pour la mobilité, la rénovation énergétique des bâtiments, la mobilité, les loisirs, les impacts chiffrés et les budgets associés manquent cruellement, sans parler du budget consolidé sur 30 ans correspondant aux objectifs fixés.

A ceci peut se rajouter le scepticisme que l’on peut avoir quant aux actions menées sur la trafic autoroutier (aucune mention du fret ferroviaire, de la réduction des importations des biens, de la réindustrialisation, mais également des leviers de relocalisation de l’économie comme les monnaies locales).

Concernant particulièrement les bâtiments :

Il existe 18740 logements sur la CCM, et l’objectif est d’atteindre 100% de bâtiments basse consommation en 2050, soit 600 logements à rénover par an. Le rythme actuel est de 30/ans.

Or, une rénovation BBC coûte en moyenne 50k€. De plus, parmi ces logements, on estime à 16% de passoires énergétiques sur le territoire, soit 2760 logements, qui n’ont pas forcément les moyens de débourser de tels montants sans aide.L’enjeu est donc de trouver des leviers pour inciter à la rénovation énergétique en tenant compte des inégalités sociales.

C’est la même approche pour les changements de mode de mobilité.

Voici un exemple, proposé par Lucas Chancel de la Paris School of Economics, de politique différentiée en fonction de la situation sociale, qui pourrait par exemple être appliquée à l’échelle locale par les collectivités.

Lucas Chancel, “Global carbon inequality over 1990-2019“, Nature Sustainability, nov 2022


Article rédigé par Antoine